Ô Sacré Pain, une boulangerie bio vertueuse
Boulangerie Bio Sarlat
Si certains en doutaient encore, la Dordogne regorge d’artisans de talent qui perpétuent des traditions ancestrales. Une boulangerie bio en milieu rural ? Ce n’est pas une utopie mais bien une réalité. À Saint-Crépin-et-Carlucet, près de Sarlat, où la commune manquait d’un commerce de proximité comme celui-ci, les habitants peuvent désormais acheter du pain 100% biologique. Un luxe qui n’est pas donné à tout le monde. En effet, le fournil Ô Sacré Pain est l’un des rares de la région à s’être engagé dans une fabrication vertueuse de celui que l’on déguste presque à tous les repas.
Six variétés différentes de pains de 500g, 750g, 1 kg ou 1,5 kg sont produites chaque jour. Mais le mode de fabrication adopté est bien loin des boulangeries traditionnelles. Best Of Sarlat est parti à la rencontre de Benoît et Françoise Tranchant, les propriétaires de ce fournil. De l’élaboration de leur projet, à l’installation de leur boulangerie bio en Périgord Noir puis à la confection du pain, ils expliquent en détail leur activité.
Un travail complexe pour des produits de qualité
Il est 4 heures du matin quand Benoît Tranchant, artisan boulanger, prend ses quartiers au sein de son fournil situé au lieu-dit Le Poujol. Il allume son four. Quand la plupart des boulangeries traditionnelles ouvrent leurs portes alors que le soleil ne s’est pas encore levé, la cuisson du pain se termine à 9 h 30 au fournil Ô Sacré Pain. Une différence qui s’explique notamment par l’utilisation d’un mode de cuisson peu commun. “J’utilise un four à bois car nous sommes dans une région qui se prête à son utilisation. J’utilise du bois local et je ne suis donc pas dépendant de l’électricité”, détaille Benoît. Et pour atteindre les 250 degrés nécessaires à la cuisson des plus grosses pièces, il ne faut pas moins de 4 heures de chauffe.
En attendant, Benoît, Poitevin d’origine, s’affaire à diviser, peser et mettre en forme les pâtes qu’il a préparé la veille avec sa femme, Françoise. “La particularité, c’est que je travaille tout à la main à l’aide d’un pétrin en bois. C’est plus complexe. Ici, la fermentation est lente. Dans une boulangerie traditionnelle, il existe des chambres froides, dites ‘de pousse’, qui permettent de faire ‘monter’ la pâte”, ajoute l’artisan boulanger. Alors, dans le seul réfrigérateur du fournil, il n’y a rien si ce n’est du beurre pour la fabrication des cookies.
C’est bien là toute la complexité d’un artisan boulanger bio : ne pas utiliser de levure de boulanger issue de l’industrie pour la fermentation du pain. “Je ne travaille qu’avec du levain c’est-à-dire la levure naturellement présente dans la farine. Il est produit par le mélange de l’eau et de la farine.” Pour la pousse du pain, là encore, le travail est un peu plus complexe que ce qui lui a été enseigné pendant son CAP. Les pâtes fermentent uniquement grâce à la chaleur dégagée par l’immense four à bois installé au centre de la pièce. Cela l’oblige donc à jouer quotidiennement avec sa dose de levain selon la température ambiante du fournil. “Un boulanger traditionnel travaille avec la même recette tous les jours. Moi, je dois m’adapter”, confesse Benoît.
Boulangerie bio Sarlat : un pain plus sain
Une fois cuit, le pain est plus sain que celui d’une boulangerie traditionnelle assure Benoît. “Je travaille avec des farines paysannes. Elles sont vivantes c’est-à-dire qu’elles ne sont pas trafiquées. Il y a encore plein de levures naturelles qui sont présentes, qu’il n’y a plus dans les farines industrielles”, souligne-t-il. Alors, Ô Sacré Pain, ce qui est sûr c’est que le pain ne contient ni additifs, ni acides ascorbiques, ni farine de fève pour rendre le pain blanc et encore moins de levure chimique de boulanger.
Cette manière de fabriquer du pain est aussi bénéfique d’un point de vue nutritionnel. “Déjà, l’avantage est qu’il n’y a pas de pesticides. J’utilise essentiellement des farines semi-complètes qui sont beaucoup plus riches en minéraux. Par exemple, pour les baguettes chez un boulanger traditionnel, ce sont des farines raffinées, il n’y aucun intérêt nutritionnel. Ce n’est que du sucre.” Grâce aux levures naturellement présentes dans le pain de Benoît, la digestibilité est meilleure.
Et du côté de la conservation, là encore, le pain de Benoît se différencie des autres. Il devient sec moins rapidement et sa conservation est presque doublée par rapport à celui d’une boulangerie traditionnelle.
Favoriser les circuits courts
Si le couple a choisi de s’engager dans le bio, c’est avant tout par éthique personnelle. “Pour moi, c’est incontournable. Ce n’est pas du militantisme. C’est une évidence d’utiliser des matières premières issues des cultures propres et saines”, précise Benoît. Au total, il s’approvisionne auprès d’une dizaine de producteurs de la région. Ceux-ci travaillent des semences paysannes et produisent des “farines qui ont du goût”.
Il serait faux de dire que le bio ne génère aucun coût. En effet, pour Benoît cette décision pèse dans les finances mais n’a aucune répercussion sur le prix de son pain. “La plupart des boulangeries se fournissent auprès de gros moulins parisiens qui commercialisent des farines diluées. C’est moins cher.” En privilégiant les agriculteurs de la région, le couple achète en moyenne ses farines 60% plus cher mais cela ne les pas a fait changer d’avis.
D’un point de vue local, son projet a séduit les mairies comme les habitants. Chaque semaine, les enfants des cantines scolaires bénéficient des bienfaits du pain d’Ô Sacré Pain. Tous les jours, il est distribué dans les écoles de Saint-Crépin-et-Carlucet et Salignac-Eyvigues. Chaque jeudi on le retrouve à Saint-Geniès et le vendredi à Prats-de-Carlux.
Créer une boulangerie Bio : le rêve d’une vie
Pour devenir un artisan boulanger, il faut être passionné. C’est cette envie et cet amour pour le pain qui a poussé le couple a relever le défi un peu fou d’ouvrir une boulangerie bio. Ce projet, les deux Poitevins l’ont mûri pendant “très longtemps”. “J’ai vécu pendant 20 ans à Toulouse. J’avais envie de changer de vie, je voulais travailler dans quelque chose de plus concret, qui a du sens”, explique Benoît Tranchant. Avant de se lancer, il était déjà passionné par la boulangerie. “Pendant 10 voire 15 ans, je faisais mon propre pain à la maison. J’en faisais pratiquement tous les jours.”
“J’ai quitté mon travail en septembre 2020 et nous sommes arrivés à Saint-Crépin en octobre de la même année. Nous avons ouvert le fournil en mai 2021”, complète-t-il. Pour mener à bien leur projet commun, Benoît a dû se reconvertir, n’étant pas du métier. “Auparavant, je faisais de la recherche en océanographie. Je travaillais avec des agences spatiales, le Centre national d’études spatiales (CNES), avec Météo France, l’Agence spatiale européenne…” Il s’est donc formé en parallèle de son travail. “J’ai suivi la formation de CAP boulangerie à Aurillac d’août 2019 à mars 2020 grâce à mon compte personnel de formation.”
Soutien des collectivités territoriales
Mais comment ses deux Toulousains d’adoption en sont-ils venus à s’installer en Périgord Noir ? Et bien, le hasard, qui a bien fait les choses. “Nous cherchions plutôt dans le Lot ou dans l’Aveyron à vrai dire. J’avais déjà quelques contacts. Mais l’amie d’un ami connaissait un élu de Saint-Crépin. J’ai présenté mon projet à la mairie qui l’a accepté”, s’enthousiasme Benoît.
Le fournil est donc installé dans une ancienne grange qui a été réhabilitée par la municipalité. “Je loue à la commune mais l’ensemble du matériel m’appartient”, souligne le boulanger. Le projet des Tranchant a également été soutenu par le Département et la Région. “Avec la Chambre des métiers et de l’artisanat, j’ai constitué des dossiers pour que mon installation soit facilitée.” Des aides et des fonds qui ont notamment servi à l’achat d’appareils spécialisés pour la confection du pain.
Un projet de formation
Benoît Tranchant dispose d’un savoir-faire unique. Passionné par son travail, le boulanger a décidé de former à son tour. “L’un de mes amis a créé Pass Passion”, poursuit-il. L’entreprise propose notamment de faire découvrir à des particuliers des métiers artisanaux. “Cette année, j’ai déjà reçu deux stagiaires pendant deux jours et demi. J’apprécie ce genre de stage pour les personnes qui ne cherchent pas forcément à se reconvertir”, conclut l’artisan.
Localement, son activité suscite de l’engouement. L’artisan boulanger devrait recevoir des enfants dans le cadre scolaire pour présenter son activité et leur faire découvrir son passionnant métier. “Deux classes vont bientôt venir, je vais leur présenter la pâte comme la farine et nous ferons cuire des petits pains”, raconte Benoît.
Si Benoît a déjà reçu des offres pour des formations plus longues, il n’est pas fermé à cette possibilité. “L’objectif serait d’expliquer tout le processus pour ceux qui voudrait se lancer, comment obtenir des aides de la part des collectivités, etc.”
Best Of Sarlat remercie Benoît et Françoise Tranchant pour leur accueil et le temps qu’ils nous ont consacré au partage de leur passion.