FOCUS SUR LA GARE DOISNEAU DE CARLUX :
TOUT LE MONDE DESCEND !
La Gare Robert Doisneau
Ce lieu unique nous propose de plonger dans l’univers de l’un des plus grands photographes de tous les temps en découvrant sa vision de ce Périgord si cher à son cœur. Une visite gratuite et chargée d’émotion à ne surtout pas manquer !
Robert Doisneau est l’un de ces artistes qui marquent toute une génération… et les suivantes. Pourquoi ? Tout simplement parce que son travail est universel et que tout au long de sa carrière, ce photographe s’est attaché à montrer l’humanité dans toute sa splendeur, pour la sublimer en capturant des instantanés, avec son regard d’esthète, mais aussi avec une certaine espièglerie et une malice qui font de ses photos des œuvres intemporelles et touchantes qui nous font voyager dans nos insondables imaginaires…
Tout part d’une photo emblématique
Si vous passez du côté de Carlux, ne manquez surtout pas de vous arrêter en gare, vous ne le regretterez pas. Car, pour une fois, la gare n’est pas une simple étape, mais une destination en soi ! Jadis gare de chemin de fer, ce lieu a été rebaptisé La Gare Robert Doisneau en 2018 après des travaux d’une qualité exceptionnelle qui ont permis de mettre en valeur la vision et l’œuvre de ce photographe d’exception connu et reconnu dans le monde entier.
Mais pourquoi avoir choisi de dédier à un artiste pourtant natif de la région parisienne cet endroit étonnant en plein cœur de la Dordogne, se demande-t-on ? Eh bien parce que Robert – nous nous permettons ici de l’appeler par son prénom tant nous nous sentons proches de lui et de ses images qui nous font sourire et rêver ! –, est souvent venu dans par ici, dans cette région qu’il affectionnait particulièrement et où il a passé des moments inoubliables et heureux. La réhabilitation de cet endroit, où le dernier train reliant Sarlat à Saint-Denis-près-Martel est passé le 31 mai 1980, est un fantastique projet culturel réalisé par la Communauté de communes du Carluxais-Terre de Fénelon. Au moment de son rachat de la gare en 2011, la communauté envisageait d’y installer son siège et l’Office de tourisme principal du Pays de Fénelon. Mais une autre idée a germé grâce à une photo de Doisneau datant de 1939 sur laquelle on peut voir sa femme Pierrette ainsi que trois de ses amis devant la gare : pourquoi pas un endroit dédié au photographe ?
Une réhabilitation spectaculaire
Rendez-vous est pris en 2015 avec Annette Doisneau et Francine Deroudille, les deux filles de Robert, par l’intermédiaire de François Hirissou, cousin du photographe et ami de Patrick Bonnefon et Vincent Flaquière, respectivement président et vice-président de la Communauté de communes du Pays de Fénelon. La locomotive s’est alors mise en marche ! La restauration du site, confiée à Didier Chassary, architecte briviste du cabinet Archimade 19 est parfaitement réussie, associant harmonieusement des éléments très modernes aux bâtiments historiques si typiques. La société toulousaine CS Design a quant à elle pris en charge la scénographie des galeries main dans la main avec Anagram et Picto pour les parties impression, multimédia et mobilier.
Sa vision du Périgord
Après deux années de chantier, la Gare Robert Doisneau a ouvert ses portes le 30 avril 2018. Pour la petite histoire, et aussi surprenant que cela puisse paraître, il s’agit du seul lieu d’exposition permanente dédié au grand Doisneau. La visite s’articule autour de deux galeries, dont le synopsis a été imaginé en partenariat avec Romain Bondonneau et l’association Périgord Patrimoine suite à l’édition du passionnant ouvrage Doisneau et la Dordogne. Le tout s’articule autour d’une autre facette du travail du photographe célèbre pour ses photos de Paris et sa banlieue : ses photographies prises dans la région du Périgord.
La galerie du rez-de-chaussée, élégante, minimaliste et spacieuse, se focalise sur les premières vacances de Robert Doisneau en Dordogne et dans le Lot, à l’occasion de ses premiers congés payés en 1937.
On aperçoit des paysages bien connus, des photos de famille ou des prises de vues capturées lors de balades en canoë… C’est d’ailleurs en Dordogne, et au sujet du canoë que Doisneau a réalisé l’un de ses premiers reportages en 1939. Un travail qui sera interrompu par la déclaration de guerre et la mobilisation générale.
Ces images, dont on se délecte dans cette galerie, semblent être parfaitement hors du temps. Elles montrent une Dordogne dont l’esthétique unique demeure parfois inchangée. Un extrait du documentaire vidéo Le revolté du Merveilleux, réalisé par sa petite fille Clémentine Deroudille, est présenté au visiteur (un film que l’on peut se procurer dans son intégralité en DVD dans la sympathique boutique de la gare). « Devenir un petit photographe sautillant, c’est vraiment une preuve de désobéissance… car désobéissance et curiosité sont les mamelles de ce métier ! », entend-on de la bouche de Robert dans un extrait sonore repris dans cette si jolie vidéo.
Des reportages pour “Le Point”
Dans une vitrine, on peut aussi admirer un vieux Rolleiflex, appareil photo reflex bi-objectif emblématique des années 1930 très cher à Robert Doisneau au début de sa carrière.
Des exemplaires du Point de l’époque sont exposés pour nous rappeler l’amitié entre le photographe et l’éditeur Pierre Betz, qui a vécu à Souillac, à 10 km de la gare de Carlux et lancé cette revue (à l’époque une publication artistique et littéraire) avec Pierre Braun. Robert Doisneau participa activement à cette publication, notamment pour réaliser des reportages sur Pablo Picasso, Georges Braque ou Henri Laurens. Le photographe a aussi profité de ses séjours dans le coin pour produire des cartes postales pour le syndicat d’initiative de Souillac et pour réaliser une série d’images pour les célèbres foies gras Rougié à Sarlat…
La seconde galerie est quant à elle consacrée aux « tranches de vie » que l’artiste aimait tant saisir avec son œil « désobéissant » et « curieux » donc, mais aussi avec la fraîcheur et la bienveillance qui l’ont habité toute sa vie. On y découvre de multiples prises de vue dévoilant des « personnages » que le photographe a croisés dans ce Périgord si rural et authentique. On s’arrête alors quelques minutes devant les clichés exposés pour imaginer les contextes, les odeurs, les sons de l’époque. Elles sont comme ça, les photos de Doisneau, elles nous font voyager dans le temps, mais aussi dans l’espace et dans des histoires que nos imaginaires tissent eux-mêmes !
Des secondes chipées à l’éternité…
Robert Doisneau savait mieux que quiconque saisir l’âme des lieux, mais surtout, celle des êtres… « La beauté échappe aux modes passagères », pensait l’artiste. « Le souvenir de ces moments est ce que je possède de plus précieux… peut-être à cause de leur rareté. Un centième de seconde par-ci, un centième de seconde par-là, mis bout à bout, cela ne fait jamais qu’une, deux, trois secondes chipées à l’éternité ».
Toujours au deuxième étage, un intéressant dispositif a été mis en place pour expliquer de façon ludique les procédés de la photographie argentique. « Le Labo » est donc une animation numérique interactive qui détaille les différentes étapes nécessaires au développement d’une photo argentique. On choisit tout d’abord un négatif sur la « Table lumineuse », puis on entre dans la chambre noire « virtuelle », éclairée par une lumière rouge (comme il se doit dans une chambre noire « non virtuelle »).
Un lieu ouvert aux artistes
Après un passage dans les écrans représentant les bacs de révélateur, de bain d’arrêt, de fixateur puis de rinçage, on découvre si nous avons mené les opérations comme un pro. De quoi se souvenir que tout n’a pas été aussi facile qu’à l’ère du numérique !
Grimpons au troisième étage où un espace climatisé de trente-deux places peut être mis à disposition pour des réunions, assemblées générales, conférences ou formations. La Gare offre aussi des formules avec café d’accueil, restauration sur place, apéritif et une visite des espaces d’exposition. Toujours à cet étage, La Gare Doisneau a prévu un large espace dédié à des expositions temporaires, faisant la part belle à des photographes, mais aussi à d’autres artistes – peintres, affichistes, etc. – dont les univers nous font eux aussi embarquer vers d’autres destinations.
La beauté de ce qui nous entoure
En sortant, tout en sirotant un rafraîchissement au Café de la Gare, on se dit que, comme du temps où elle était un arrêt sur une ligne de chemin de fer, la Gare Doisneau reste aujourd’hui encore un lieu dédié aux voyages. Des voyages fantastiques qui étanchent notre soif de beauté, nourrissent notre âme et nous rendent un peu plus légers et humains…
La Gare Doisneau réveille l’envie de découvrir d’autres destinations artistiques. Cet endroit est aussi magique pour autre chose : il éveille notre faculté de regarder les choses avec un autre œil. De trouver un peu plus de beauté dans les choses et les gens qui nous entourent. Une beauté que Doisneau savait repérer et distiller à la perfection !
Textes et photos de …
Frédéric Lemont
L’Edition Périgord