Arc et Os
Arc et Os : immersion dans les ateliers de Montignac
Parfois, la Préhistoire est une affaire de technologie. Depuis quelques années, le Périgord est passé maître en la matière, et des entreprises de pointe se sont développées pour sublimer ce patrimoine qui a traversé les âges, et que nous tâchons aujourd’hui de conserver tout en le rendant accessible au plus grand nombre. Car c’est aussi du passé et de nos racines que nous pouvons apprendre pour notre présent et notre futur…
C’est à Montignac que tout semble se jouer avec la réalisation de fac-similés à la fois spectaculaires et empreints de modernité. Nous nous sommes rendus dans les ateliers de l’entreprise Arc et Os qui, comme sa voisine Les Ateliers des fac-similés du Périgord – qui a réalisé le Centre international d’art pariétal de Montignac-Lascaux ouvert en décembre 2016 –, a pris en charge une partie de la réalisation minutieuse et parfaitement fidèle de « copies » de grottes ornées.
Alors que nous entrons dans les locaux, l’effervescence bat son plein. Toute l’équipe s’affaire à reproduire la grotte Cosquer, qui se situe à Marseille.
La grotte Cosquer
« Ce qui est paradoxal, c’est que nous n’avons jamais pu visiter cette grotte et que nous ne pourrons jamais le faire, étant donné que l’accès se fait par un couloir immergé très dangereux sous la surface de la mer… Pourtant nous sommes en train de la reproduire avec le plus de fidélité possible », nous explique Laurent Delbos, le chargé de mission de la société Kléber Rossillon qui supervise les opérations. C’est en effet la société de ce Périgourdin, aussi propriétaire de joyaux comme Marqueyssac ou Castelnaud, qui réalise le chantier et qui sera concessionnaire du fac-similé.
Laurent Delbos travaille en binôme avec Alain Dalis, fresquiste et directeur des ateliers Arc & Os.
Un projet d’ampleur !
C’est le même Alain Dalis qui avait dirigé son équipe de faussaires chargée de réaliser une partie du fac-similé exceptionnel de la non moins exceptionnelle grotte Chauvet-Pont d’Arc, en Ardèche, ouverte au public en avril 2015. C’est ainsi que des rhinocéros, des chevaux, une lionne et un mammouth créés par des artistes d’il y a 36 000 ans ont revu le jour grâce au savoir-faire et à l’inventivité d’Alain Dalis et de ses équipes. Car chaque réalisation est unique, et il faut sans cesse rivaliser d’ingéniosité pour penser des techniques qui permettent d’obtenir un résultat au plus près de la perfection.
Le nouveau projet, celui du fac-similé de Cosquer, sera installé non loin de la grotte originale, à Marseille, dans la Villa Méditerranée. Ce projet est d’ampleur puisque, non contente de reproduire la grotte, l’équipe d’Arc & Os doit également penser à la meilleure façon de reproduire le versant immergé de celle-ci.
Côté architecture, le bâtiment est transformé par la création architecturale du cabinet d’architecture Vezzoni. Une passerelle sinueuse flottant sur l’eau, à laquelle sera amarré le bateau de la découverte d’Henri Cosquer, permettra à la Villa de retrouver son lien avec la mer et de mettre en scène l’arrivée du visiteur pour le plonger au cœur de la découverte.
Voguer dans la grotte
Lors de notre visite, le scénographe et spécialiste de la Préhistoire Thierry Amiel est en pleine réunion avec son confrère Thierry Félix, qui est quant à lui en charge du scénario du futur fac-similé. « Nous essayons de rendre tout ça à la fois interactif, ludique, étonnant et, bien entendu, informatif », nous confient-ils. Car concrètement, l’expérience que vivront les visiteurs de la Villa Méditerranée à Marseille promet d’être assez spectaculaire !
Et pour cause : après avoir pris un ascenseur pour simuler un plongeon de 37 mètres sous la mer (c’est à cette profondeur que se situe l’entrée de la grotte), nous emprunterons de petits modules d’exploration tractés par des câbles pour nous déplacer sur pas moins de 360 mètres carrés de bassin, comme si nous voguions dans cette grotte artificielle, dont les parois se refléteront à la surface de l’eau. Une prouesse technique qui a donné bien du blé à moudre aux ingénieurs et techniciens de la société Kléber Rossillon en charge de cette réalisation pharaonique qu’on a hâte de découvrir lors de son ouverture l’an prochain…
Après avoir exploré la grotte, les visiteurs remonteront dans le temps pour découvrir la calanque de la Triperie – où se trouve la grotte Cosquer – à l’époque glaciaire. Des espaces dédiés aux espèces disparues et à l’art pariétal permettront d’approfondir nos connaissances sur ces âges reculés. La thématique du climat et des montées du niveau des mers sera elle aussi mise à l’honneur pour nous sensibiliser au phénomène de la montée des mers, en comprendre les conséquences et nous faire une opinion sur les moyens dont l’Homme dispose pour les atténuer.
La montée des eaux
En effet, la grotte ornée il y a des millénaires, lorsque le niveau de la mer était bien plus bas qu’aujourd’hui, est en train de disparaître inexorablement à cause du réchauffement climatique. Des œuvres probables, qu’on imagine dans le couloir d’accès, ont sans doute déjà été altérées depuis des siècles et effacées par l’eau. Ainsi, on aperçoit clairement à un endroit que des jambes de chevaux sont déjà englouties.
Mais, au fait, comment réalise-t-on la reproduction d’une paroi ? Eh bien, tout commence par l’action d’une fraiseuse très spéciale. Cette machine permet de reproduire des reliefs très complexes modélisés par ordinateur. Dans les ateliers de Montignac, elle a carrément sa pièce à elle. « Les géomètres nous fournissent les relevés numériques de la grotte et la machine usine des blocs de polystyrène. »
Une fois le bloc totalement sculpté par ce « robot », on obtient alors une espèce de négatif, c’est-à-dire la forme à l’envers du relief qui sert alors à concevoir un moule. C’est ensuite de la résine projetée qui reproduit le positif du relief.
Au millimètre près !
S’ensuit l’étape du modelage. Des images sont projetées sur les coques en résine obtenues. « On travaille au millimètre près pour tout bien caler », nous indique Alain Dalis…
Le travail consiste alors à reproduire à la main calcites lisses, croûtes et autres effets de texture. Un travail d’orfèvre et de dentellière !
Au total, ce sont douze panneaux qui sont fabriqués dans les ateliers d’Arc & Os. Et chaque dessin et chaque gravure sont réalisés avec une grande précision. On trouve aussi soixante-cinq mains rouges et noires réalisées selon la technique du pochoir. Des traces de doigts enfoncés dans la roche sont aussi clairement visibles. Chaque élément à reproduire pose la question de la technique ou du bon dosage de pigments.
Arc et Os : un projet collectif
Avec les années et la pratique, Arc & Os est parvenu à exceller en la matière. Au point que de nombreux préhistoriens ne tarissent pas d’éloges !
Idem pour les autres partenaires de la société Kléber Rossillon. Gilles Toselllo et Bernard Toffoletti, à la fois artistes et préhistoriens, dirigent l’atelier Déco Diffusion en charge des reproductions de peintures préhistoriques. L’Atelier artistique du béton (AAB) et l’Atelier Stéphane Gérard sont, quant à eux, des virtuoses de la reproduction des parois et des spéléothèmes [concrétions, dépôts minéraux précipités dans une cavité naturelle souterraine – NdlR]. Car, à l’instar de la grotte originale, le fac-similé est une histoire de collaboration humaine entre des artisans-artistes qui ont pour seul objectif de sublimer un monument majeur de l’art pariétal mondial…
En tout cas, c’est à Montignac que l’Histoire se reproduit à l’identique (ou presque). Ce qui fait de cette ville un épicentre de la Préhistoire de demain, là où on imite pour mieux conserver et où on observe pour mieux restituer.
UN grand merci à Frédéric du magazine l’Edition Périgord pour ce reportage.
Retrouvez des images exclusives de la vraie grotte que le Centre national de Préhistoire nous a généreusement permis de reproduire dans le numéro 10 de L’Édition Périgord en vente ici sur J’achète-ici.fr
Textes et photos de …
Frédéric Lemont
L’Edition Périgord